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Photo du rédacteurL'abeille lunaire

TCA, dépression et cie... jusqu'où sommes-nous conditionnés ?


Comment faire lorsque le monde entier nous rend malades ? Comment faire lorsque vivre ici nous apprend à mourir ? Si l'on se met à regarder de près notre éducation, notre culture, notre langage et toutes nos évidences quotidiennes, l'on se retrouve face à un situation macabre. Qui ne s'est jamais restreint parce que, au repas d'avant, il avait abusé ? Qui n'a jamais considéré qu'il avait trop mangé ? Qui ne s'est jamais dit que son corps n'était pas beau et que, de ce fait, il fallait entreprendre un régime ? Peut-être certaines personnes me diront « moi, jamais, j'ai une relation saine avec la nourriture et sans aucune pensée parasite », mais ces personnes là je ne les croirai pas. Car il se trouve que cette triste situation n'est pas qu'une question de pensées, de culpabilité, de peur et de régimes conscients, c'est aussi une façon de vivre, assumée, inconsciente, des réflexes, des propos irréfléchis et lourds de sens.


Premièrement, la langue française voudrait que le neutre soit le pronom « il », mais il serait plus juste, ici, de dire « elle ». ''Selon l'Assurance maladie, l'anorexie mentale touche entre 0,9 et 1,5 % des femmes et 0,2 à 0,3 % des hommes'' et pourquoi ? Pas parce que les femmes ont une tendance naturelle à « faire attention à leur ligne » ou une sensibilité tellement plus grande qu'elle les rendrait hystériques face à des faits sans importances, non. Mais parce que les femmes sont éduquées de telle sorte à ce que leur corps, leur existence toute entière soit un problème. Je peux le dire autrement : les femmes ne sont jamais assez, en revanche elles sont toujours trop.

Se faire traiter comme une femme c'est recevoir l'éducation du complexe. Comme le dit Euphonik dans Deuxième sexe : ''ai-je vraiment des complexes ou est-ce qu'on me pousse à les créer ?''. Ainsi, la majorité des personnes considérées comme des femmes apprennent, par une éducation directe (propos de la famille proche, habitude de faire des régimes forcés) ou indirecte (observations, imitation, culture pop), à devoir faire attention à leur alimentation, entre autres. Car, évidemment, il ne faut jamais oublier l'importance du style vestimentaire, la façon de parler, de se tenir, mais même les choix de vie qui sont immensément stigmatisés, influencés, dirigés par des personnes extérieures.

Je ne dis pas que les hommes ne connaissent pas ce problème, ou qu'ils n'ont aucune injonction pesant sur leurs épaules, et je fais d'ailleurs une analyse très peu inclusive, également, des personnes non-binaires, genderfluid ou transgenres... Ce n'est pas à volonté stigmatisante, mais plutôt par observations « sociologique », si je puis dire : peu importe, malheureusement, la façon dont l'individu se détermine et se définit, le regard que porte la société sur son corps, son sexe, tout son être, prédomine. Les TCA mais aussi les intolérances envers les personnes queer en découlent. Peu importe que je sois un homme, une femme, ni l'un ni l'autre ou les deux, si pour le monde entier je suis une femme, alors le monde entier me traitera comme telle, pour le pire généralement.

Je tiens à préciser que si je partage ici les chiffres de l'anorexie mentale, ils ne sont néanmoins ni représentatifs des cas réels d'anorexie ni inclusifs des cas de TCA (troubles du comportement alimentaire) normalisés et intégrés dans le quotidien. On a souvent le cliché de la fille, adolescente souvent, anorexique mais notre maman qui nous offre un pèse-personne et qui fait une réflexion sur le fait de prendre un dessert, c'est une relation malsaine à l'alimentation et au corps. Comportement que l'on peut rapproché d'un TCA que je dirai ici « normalisé ». De plus, l'anorexie n'est jamais solitaire. Elle s'accompagne souvent d'autres troubles, tels que la boulimie ou l'hyperphagie, etc. Des phases alternant ces différents comportements sont récurrentes et rendent difficiles de placer un individu sous une seule étiquette ou un seul stéréotype.


Mais, au milieu de cette usine du complexe, du manque de confiance en soi et de la dépression, j'en reviens à mon sujet : parlons-nous assez de l'alimentation ? Parlons-nous assez de l'alimentation pour les bonnes raisons ? Car ce qui devrait être un geste naturel, environ trois fois par jour, tout comme boire, dans l'unique but de vivre, l'est-il vraiment ? Ce qui devrait être la chose la plus évidente, la plus intime, la plus irréfléchie car instinctive, qu'est-elle réellement ?

Un enfer, pour beaucoup trop d'individus. Une prise de tête permanente, une lutte interne, une cage dorée. Non seulement, en Occident, notre consommation est poussée par des publicités, des influences, des stimulations visuelles et des étiquettes mensongères, mais elle est également encadrée par des règles implicites monstrueusement genrées, discriminantes, sexistes, maladives. Les corps et les esprits sont emprisonnés dans des images idéales et irréelles.


Notre alimentation est entourée de notions telles que bien, mal, sain, malsain, raisonnable, irraisonnable, équilibre, perfection et j'en oublie sûrement. Je ne dis pas qu'il ne faut pas manger « équilibré », par exemple, mais que ce que l'on entend par « équilibré » n'est en fait pas si sain que cela. Et pourquoi ? Pourquoi nos notions sont-elles erronées ? Parce que ce n'est pas de l'alimentation dont on parle, mais de l'individu. Ce n'est pas l'alimentation qui est mauvaise, mais l'individu qui se nourrit ainsi. Ainsi, le jugement de ce qui se trouve dans notre assiette devient le jugement, la hiérarchie et la compétition entre des individus. Notre assiette nous définit, non seulement par ce qu'elle contient mais également par ce que les autres projettent dessus.

Et pourquoi les femmes sont les êtres qui se torturent le plus à ce propos ? Non par nature, mais par culture. Depuis toujours des normes entourent et enchaînent les corps des femmes, mais jamais ces normes n'ont été les mêmes selon les époques. Toujours des normes, et toujours elles ont changé : une femme doit être voluptueuse, non une femme désormais doit être taillée comme Marylin, non non, une femme doit être mince, très mince, mais finalement une femme doit avoir de grosses fesses, une grosse poitrine et une taille minuscule. Depuis toujours, en fait, on veut sculpter les femmes à l'image des fantasmes masculin.

Or cette sculpture symbolique, plus ou moins directe, inclut toujours l'alimentation. Si à une certaine époque on désirait des femmes charnues, on incitait à manger (comme un bon vivant). Or, depuis que l'idéal féminin est plus précis et plus axé sur la minceur, il s'agit d'inciter aux sports sculptants (musculation, pilates...) pour de « mauvaises raisons » (car ce n'est pas tant que cela pour notre santé en tant que telle, mais pour des idéaux superficiels, artificiels et imaginaires) et à une alimentation « équilibrée » pour ne pas dire restrictive. C'est la culture du régime, pour faire simple.

Quelle que soit l'éducation familial, le corps de la femme, son identité, toujours elle sera confrontée à des réflexions : jamais assez, toujours trop. Et ces réflexions, que nous portons tous en nous, en germes, parfois sans en avoir conscience, ces stéréotypes de ce à quoi une femme devrait ressembler, incitent à une alimentation particulièrement aliénante. Le naturel devient une prise de tête quotidienne. Et le cheminement pour se détacher de ce tourbillon de pensées coupantes est long et douloureux. Les étiquettes, les idéaux et les comportements se contre-disent en permanence : il s'agit donc, aujourd'hui, d'inciter à consommer tout en préconisant de ne pas trop consommer. C'en est presque comique.


Et tout ce monde, cette structure malsaine et invisible qui entoure le corps et l'esprit des femmes, finit par dépasser la simple volonté de « bien » manger, d'avoir un « joli » corps, d'être politiquement correcte et dans les normes, pour ne pas faire de vagues. L'anorexie, pour faire court, ce n'est pas la peur de prendre du poids ou de manger. C'est l'envie de disparaître, la peur de prendre de la place, d'exister, un terrible manque de confiance, souvent une dépression morbide. C'est l'esprit mourant qui ne peut plus que passer par le corps pour faire entendre son appel au secours. Et, l'anorexie mentale, c'est ce même désespoir, ces mêmes peurs, sans forcément d'impact sur le corps. Parfois, l'anorexie n'est qu'un monde de pensées dictatoriales, à en avoir mal à la tête, des crises de larmes, des insomnies et des cauchemars. De plus, comme dit précédemment, l'anorexie est rarement la seule maladie encombrant l'esprit, car les périodes de trop longues restrictions donnent lieu à des comportements boulimiques, le tout enrobé de dysmorphophobie, etc.

L'anorexie n'est pas la peur de grossir, c'est la peur de vivre. Vivre dans un monde qui ne veut pas de nous, pas telles que nous sommes. Vivre dans un monde qui fuit la tempête, alors que le sublime est dans ces vagues corporelles et émotionnelles de plusieurs mètres.

Tout le monde, aujourd'hui, a un TCA normalisé. Et c'est à peine exagéré.

Quand on y réfléchit vraiment, pourquoi se prendre autant la tête ? Parce que le monde entier s'est approprié les corps, tous les corps, dans les films, les séries, les publicités et les réseaux sociaux, la culture, l'éducation, le naturel est en voie de disparition. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Tout ce que je constate, c'est que cet éloignement du naturel, dans une majorité des cas, est source d'extrême souffrance, poussant 20% des personnes anorexiques et 35% des personnes boulimiques à des tentatives de suicide (association-anorexie-boulimie-ouest.com).


A partir du moment où la nourriture peut devenir source de dépression, de TCA et de mort, ce n'est pas un sujet secondaire ou un détail à délaisser. C'est au contraire central : vouloir se suicider, être chaque jour en lutte violente contre son être, c'est un problème philosophique vraiment sérieux. Peut-être le seul, le seul véritable problème, dirait Camus à juste titre.




Signé : une abeille lunaire





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