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Photo du rédacteurL'abeille lunaire

Le mythe de Sisyphe

Albert Camus



« Il n'y a qu'un problème philosophique vraiment sérieux : c'est le suicide.

Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est répondre à la question fondamentale de la philosophie. »


Ainsi commence la réflexion de Camus, par une provocation, par une transcendance des normes, par une remarque existentielle, ainsi nous saisit-il immédiatement : le fascinant tabou est mis au premier plan de manière radicale et abrupte. Parlons suicide, parlons désespoir, mal-être, « mal du siècle », angoisses... parlons d'absurde. C'est un sujet essentiel depuis le XXème siècle : désillusion, dépression face à un monde qui peu à peu perd de son sens. Les tragédies historiques poussent à tout remettre en question et à désespérer de cela. Le mal du monde humain pousse à avoir conscience de ce mal, car faire semblant va bien un temps, mais on n peut nier les évidences et ainsi aller contre toute éthique. Alors depuis cette succession de guerres, ces générations perdues, ces crises politiques, ces philosophes trop francs, l'absurde règne et fait parfois des ravages. Concrètement, ce que Camus appelle « l'absurde » c'est la relation entre deux choses contradictoires. Ce contact crée un paradoxe, comme un bégaiement, une sorte de beug ou d'aporie (que, le plus souvent, l'on nie). C'est une relation qui ne mènera nulle part, mais à laquelle on s'obstine à croire. L'homme absurde c'est l'homme qui accepte cette impasse et qui cesse d'en attendre, d'en espérer quoi que ce soit. L'homme absurde c'est l'homme qui a compris que le monde et l'humain se contredisent, ne font que se disputer, plus qu'ils ne s'harmoniseraient ou se complèteraient. L'homme absurde voit et accepte le divorce entre l'homme et le monde, car ce mariage nous baigne d'illusions, de frustrations, d'espoirs. Tout part de là.





Avoir l'intelligence de comprendre l'absurdité de notre société mène parfois à la mort, parfois à la création, toujours à une nouvelle vision de la vie. Je pense que Camus pose une question essentielle (en soit il en pose des tonnes... mais celle-ci peut sembler synthétique de son ouvrage) : vaut-il mieux vivre dans l'illusion ou dans la vérité ? Sachant que la vérité peu amener à mourir de désespoir, mais que l'illusion ne permet pas de vivre réellement. Alors quoi ? C'est une question qui me torture souvent. Ce devait être le cas de Camus aussi... Car je ne pense pas qu'il ne fasse que pointer le « problème de l'absurde » ici, il me semble qu'il y répond aussi, de différentes façons.

A titre personnel, il choisit la vérité. Selon lui il est dans la nature humaine de vouloir savoir, toujours plus, même si personne ne nous apporte de réponses (aporie et limites de la société). On ne peut pas vivre toute une vie dans l'illusion, c'est intenable (en théorie). Alors l'absurde, soit la conscience des difficultés qui nous entourent, finira toujours par s'imposer à nous. Et que faire alors ? C'est là toute la question. Car il y a bien des illusions qui nous arrangent et que nous entretiendrons toujours. Tellement accommodantes, ces illusions, que nous en ignorerons leurs défauts et leurs ravages. C'est un cercle vicieux, l'on s'enferme dans l'illusion, facile de refuser l'absurde, lui qui ne semble nous amener qu'à la mort. Mais pas que ! Alors que faire ? Que faire ?

Après tout... être sans espoirs (sans attentes à l'égard d'illusions) ne signifie pas que nous sommes désespérés. C'est toute la beauté de cet ouvrage : anéantir l'espoir destructeur, qui annihile notre sensibilité humaine, pour révéler, reconstruire, une façon de vivre peut-être plus paisible (plus naturelle ? Chemin risqué, l'abeille). Etre absurde c'est ne plus rien attendre de personne d'autre que de soi-même ou de ce qui est déjà là. Endurer l'absurde, ce divorce difficile avec ce monde créé par l'homme, permet ensuite une simplicité, une relativité, un calme intérieur, un goût de vivre... Oui, paradoxalement, je pense que la douleur de l'absurde aide, si on la surmonte (donc si on ne se suicide pas), à réapprendre à voir ce que l'on a, ce que l'on est, ce qui est ou non possible. L'absurde surmonté nous force à voir l'évidence : un monde humain difficile, superficiel, capricieux, pauvre en réponses mais riche en attentes exigeantes ; mais aussi, donc, à voir une certaine joie dans le présent, dans les capacités humaines, dans nos choix propres, dans la vie simple, et de ce fait une vie naturelle peut-être. Deux étapes : la chute d'Icare (du royaume des illusions), puis l'acceptation de toutes les réalités.


C'est un texte sur la conscience et sur la lucidité que nous délivre ici Camus. Un réalisme sans pitié mais pas désespéré (mais sans espoirs ! Vous suivez?). Sans pitié car, en soit, si l'on ne prend jamais conscience de la superficialité de la société, on peut continuer à vivre sans difficultés. L'ignorance semble toujours plus facile. Mais est-ce viable ? Est-ce sain d'entretenir le déni ? Est-ce humain de se contenter, de tourner en rond, voire de tourner le dos à la vérité ? Sûrement pas, sinon ce monde n'avancerait pas, et surtout l'on serait tous bêtes et heureux. Vouloir savoir, selon lui, notre nature propre, notre essence : cogner voire se fracasser contre l'absurde en permanence. Et si l'absurde, en soit, est le fait de ne pas avoir de réponses, rencontrer ce phénomène de l'absurde est une réponse à la question de la vie. L'absurde est un savoir. Et il revient à l'homme d'en faire une prison de souffrances ou un tremplin spirituel ; d'y répondre par le suicide ou par la création.



Peut-être la création, l'Art, est un moyen, le seul trouvé par l'homme, pour ne pas se suicider. Ce qui est sûr ici c'est que le philosophe ne condamne pas la mort. On dépend de ce monde, le savoir vide est une raison suffisante pour vouloir le quitter. Vouloir le quitter ! Tellement, mais comment ? Disons que Camus ne condamne pas la mort, il ne la déplore pas, il ne la déteste pas, il l'accueille en fait, car il la comprend, mais il cherche une solution pour les vivants, pour lui aussi. Il n'en fait pas LA fin face à l'absurde. Déprimé, dépressif, vidé, absurde, l'on peut quand même tenir à la vie... Surtout si l'absurde nous apporte une vie nouvelle et parfois plus belle après coup ! L'absurde c'est la fin d'une vie et le commencement d'une nouvelle. C'est un renouveau, une renaissance, un apprentissage...

Accueillir l'absurde, accueillir le monde dans lequel l'on vit, c'est une lame empoisonnée que l'on apprend à manier à trop peu d'humains.

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