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Photo du rédacteurL'abeille lunaire

La dernière reine

par Adila Bendimerad et Damien Ounouri




Des plans comme des tableaux.

Une fresque hors du temps... ou, au contraire, plongée dans ce qu'il a de plus vrai.

Transportée dans la beauté du monde arabe comme Azur et Asmar m'avait autrefois transportée...



Ce film nous fait voyager dans les coutumes, les paysages, les vêtements, la langue de l'Algérie du XVIème siècle. Grâce à ma totale ignorance du monde algérien, actuel comme passé, je crois que ce voyage a donc été idéal. Le fait est que c'est peut-être trop dépaysant pour certains de voir un film sur son monde à une autre époque, parce qu'on connaît trop bien celui présent. Or ici, je n'avais en fait pas l'impression de voyager dans le temps. Je n'ai pas eu de jet lag. Rien n'a pu me sembler démodé, dépassé, vieillot ou sous-développé. J'ai simplement découvert une nouvelle culture. J'ai découvert un nouveau monde. Et maintenant que j'en suis si amoureuse, je veux en étudier l'histoire complète.

Mais ici, plus que tout, ce film peint l'histoire d'une femme. Esclave, reine et résistante.


Zaphira est sultane, femme, l'une d'elle, du roi, mère d'un garçon ; elle est forte, belle, majestueuse ; elle fête la vie, combat le diable. Elle est l'une des plus grandes dames du pays, mais elle autant que les autres femmes restent pourtant enfermées, que ce soit dans un palais ou une bicoque. A l'intérieur, elles doivent se taire, obéir, se cacher. Cette étouffante réalité est subtilement dépeinte alors que, paradoxalement, dès la première scène l'on voit une femme bien entourée, festoyante, souriante et puissante. Un masque de soie. Des chaînes en or.

Zaphira a tout, lui dit-on, mais est sûrement privée de tout ce qui compte. Une femme, à cette époque, est plus marchandise qu'être respectable. Tout est question d'honneur. Zaphira est la plus grande dame du pays, mais si elle se retrouve sans hommes, si elle hausse trop la voix, si elle joue trop le rôle d'un homme, si elle proteste trop pour ne pas qu'on la sépare de son fils unique, elle sera déshonorée, surtout déshonorante, et abandonnée.


Mais tout change lorsque Alger décide de se libérer de l'occupation espagnole. Pour ce faire, le roi s'allie à des corsaires, connus pour être féroces et victorieux.

Leur chef, Barbarossa, désire conquérir, posséder, gagner, il veut ce qu'il n'a pas, ce qu'il n'a jamais eu. Très vite, il désire la ville qu'il a aider à libérer de l'envahisseur, très vite il désire la femme de l'homme dont il se dit le frère.

Tout est toujours ambigu. Qu'a-t-il fait réellement ? Lui, que veut-il ? Où veut-il aller ? Quel genre de « bien », quel genre de « paix » désire-t-il ? Il n'y a sûrement que lui qui le sait.


Dans les faits, il s'impose très vite comme un tyran. Très vite, Zaphira doit faire des choix dans une solitude inatendue... et elle choisit la solitude. Elle choisit de vivre, de régner et de vaincre par elle-même. Sans l'aide d'aucun homme. C'est non sans sacrifices, sans souffrances, sans larmes et sans peurs que Zaphira devient, en théorie comme dans les faits, sur le trône et dans les esprits de tous les algériens, la plus grande des reines. A la fois émancipée et protectrice du monde qu'elle connaît et aime, à la fois féministe et fidèle, à la fois mère et guerrière, ce qui finalement n'est pas si différent, Zaphira est l'une des femmes les plus fortes qu'il m'a été donné de voir sur grand écran.


Oeuvre qui n'est jamais insoutenable pour notre sensibilité, mais toujours atroce.

Les scènes de guerres, de meurtres, mais aussi de soumissions, de peurs, de dominations et de menaces ponctuent cette œuvre, ponctuent la beauté et la légèreté de ce film merveilleux...


Chaque personnage a dans ses gestes, ses regards et ses tons une majestuosité grandiose, une félinité, une puissance, une violence, une magnifique rage de vivre. Voir le film en Version Originale renforce cette impression, c'est là une langue magnifique, pleine de musicalité. Les décors participent également énormément à ces impressions. Les couleurs et les lumières donnent l'impression d'une fresque en mouvement, d'une peinture immersive, et les lieux où se déroule l'action sont mythiques. Comme tout droit sortis des histoires de Shéhérazade. C'est un film qui impressionne, tout simplement.


J'aimerais également abordé un dernier aspect qui me semble important : l'étonnante sensualité, ou l'étonnante intimité d'un film à première vue si politique. Peut-être est-ce également cela qui participe à la dimension mythique du film. Tout art est forcément plus ou moins romancé. Mais, comme je l'ai dit précédemment, tout est toujours ambigu. La sensualité est ambiguë, l'amour est ambigu, les intentions sont ambiguës, rien n'est jamais prévisible, car rien n'est écrit à l'avance pour les personnages. Spontanéité pure.


Sublime, douloureux.

Grandiose, étouffant.

Expressif, déchirant.

Cris de joie, cris d'agonie.


Entre violence et amour. Toujours.


Ainsi ai-je parlé.



Signé : une abeille lunaire.

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